La participation citoyenne à l’épreuve des violences de classe

Depuis bientôt deux ans, on entend fleurir le terme de « mouvements citoyens » dans l’espace public. S’il faut se réjouir du « retour » de chacun et chacune dans l’intérêt de la chose publique, il y a pourtant une réalité toute autre dès l’instant où l’action citoyenne se confronte aux classes politiques en place.

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes. » (Karl Marx, manifeste du Parti communiste).

Et c’est bien là tout l’objet du problème. Car la mobilisation citoyenne se confronte aujourd’hui aux limites de sa propre classe en ce sens qu’elle doit faire face à deux objections majeures. D’abord le fait de lutter contre l’inégalité sociale dont on est issu (disons celle de nature bien qu’il ne puisse exister une classe dite de nature) puis ensuite la lutte qui permet  d’accéder aux moyens de la lutte elle-même (les combats socio-politiques).

Sur ce terrain, il serait présomptueux de penser que la tendance politique à laquelle nous appartenons nous prémunit de ce travers. S’il est facile de dégager les grandes classes sociales de la société, il existe des sous-classes au sein même de ces grandes classes. Ainsi, il faut considérer la classe politiquecomme une classe à part, de même que pour celle des citoyens qui se définit par des codes d’appartenances propres et qui se distingue de l’appartenance à la première. Le fait, très récent, que le Parti socialiste français ait choisi d’intégrer au sein de sa liste aux européennes, un nombre de citoyens ( issu de Place Publique, ndlr) montre qu’il y a des espaces d’échanges (de transfuges de classe) qui permet aux uns, de passer d’un statut à l’autre sans produire de « heurts politiques ».

« Toute classe qui aspire à la domination doit conquérir d’abord le pouvoir politique pour représenter à son tour son intérêt propre comme étant l’intérêt général. » (Karl Marx, l’idéologie allemande)

Car l’idée de transfuge est bien au centre de cette double lutte des classes. Pour lutter contre les inégalités au plus haut niveau il faut d’abord travailler à son propre transfuge et ainsi passer d’une classe (citoyenne) à une autre (politique) pour que l’ensemble de la société reconnaisse l’action de l’individu comme légitime par ce qui est considéré aujourd’hui par l’ensemble du corps social comme étant une classe dominante. Hors, l’idée de transfuge induit une forme de méritocratie. Il faut donc mériter l’accès à la la classe politique pour pouvoir agir en tant que citoyen ce qui se trouve être en contradiction avec l’idée d’égalité universelle dont nous nous réclamons (je choisis de ne pas développer ici la notion de mérite bien qu’elle appelle encore à questionner l’idée de validation d’une action par rapport à un référentiel dominant).

Mais il existe pourtant un moyen de refuser de se voir imposer cette double confrontation, source de luttes intestines et produisant un éloignement du citoyen de son combat originel au détriment de celle qui consiste à la reconnaissance d’un individu par la classe dominante.

Se reconnaitre en classe pour soi plutôt que d’accepter la classe en soi.

Agir au sein d’un parti politique ne doit pas se substituer à la raison qui nous a poussé à militer. Les partis, même s’ils participent à la formation des individus, au bon déroulement d’une action politique et à la constitution de corps intermédiaires essentiels à l’organisation de ces luttes, doivent aussi se nourrir des singularités individuelles qui enrichissent leur classe en soi (celle du politique). Il y a dans l’action citoyenne, une défiance des politiques à l’égard de ces individus qui investissent le champ de l’action publique. Cette résistance de la classe politique ne doit pas mettre hors jeu les aspirations salutaires des individus de la société car si les citoyens décident de se lever et de prendre en main leur propre destin, c’est bel et bien dans le sens du progrès social.